jeudi 15 avril 2010

Ce matin j’ai pleuré..

Crise d’angoisse ? Épisode dépressive ? Je ne suis pas là pour faire un diagnostic. Tout ce que je sais c’est que ce matin j’écoutais

«
Sûr que j’étais là pour faire la fête
Et j’ai levé mon verre à ceux qui n’ont plus rien
Encore un verre, on n’y peut rien
J’étais là devant ma télé à 20 heures
J’ai vu le monde s’agiter
S’agiter

»

Mes glandes lacrymales se sont excitées.. je n’ai rien pu faire pour les dissuader de m’offrir en spectacle.. J’étais au volant de ma voiture et ma vue s’est embrumée.. Ca venait de mes tripes et j’ai chialé comme un enfant.. J’ai voulu me rattacher à la réalité et ne faire qu’entendre la musique. Surtout pas les paroles, surtout pas

«
J'ai bien vu
le sort que le nord réserve au sud.
Bien compris le mépris,
j'ai été là pour compter les morts

»

Chose impossible !
... Je vois un vieil homme en guenilles qui pousse une caisse avec des objets récupérés des bennes. Il se fait klaxonné. Un monsieur au volant de sa voiture de luxe s’invective parce que le vieil homme ne pouvait pas pousser rapidement son cadi de fortune et laisser passer monsieur V.I.P.
Il s’invectivait parce que le monsieur en costume n’avait que faire de la misère du vieux.
Il s’invectivait parce que il n’y a plus de place pour la compassion dans son cœur.
Il s’invectivait parce qu’il a tout les droits.
Il s’invectivait parce qu’il avait besoin d’assouvir ses désirs de brutes en col blanc.
Il s’invectivait et insultait non pas parce qu’il avait une quelconque urgence, il s’est arrêté à un débit de tabac à peine cent mètres après, mais pour s’invectiver.
Il s’invectivait parce qu’il est bon élève à l’école de l’ère moderne.
Il s’invectivait parce que t’écrase ou tu te fais écraser.
Il s’invectivait parce que, je l’espere, il avait honte de s’invectiver mais c’était là le seul langage qu’il ait appris dans son ascension.

Il s’invectivait, s’invectivait
Et je pleurais

«
J'étais là et je n'ai rien fait
Et je n'ai rien fait

»

Plus loin, des automobiles doublaient à droite.
De automobiles s’arrêtaient sans crier gare et sans clignotant pour acheter du pain à la boulangerie à droite.
Aucun respect des priorités, bêtises humaines.
Je pense qu’on est plus vrai au volant de son véhicule que quand on est en famille, au bureau ou au restaurant.
Les bas instincts se réveillent. La vitesse, la puissance et tout ce qu’on peut en faire se dévoilent plus facilement dans l’anonymat des cocons métalliques.
Des fenêtres qui s’ouvrent, balançant déchets en tout genres, gobelets, mouchoirs et aussi des déjections verbales immondes.

Je ferme les volets et je repasse la chanson en boucle une deuxième fois

«
Et lui qui me disait
Je suis un dur, tu vois les brûlures
là sur mes bras
Je les sens pas
Je les sens pas

»

Foutaises, il ment, il te ment, il se ment, il nous ment.
Mais il sait, tu sais, nous savons qu’il ment
Tu compatis, je compatis bien
Mais on fait rien
Je m’y reconnais, la douleur tu la ressens plus.
C’est mieux, laisse la te glisser sur la peau elle est superflue.
Mais aujourd’hui j’ai pleuré,
Parce que... Innocent, niais, candide j’étais

«
J'étais là c'est vrai
Nous, qui n’y comprenait rien
Mais on trouvait ça bien
Ça bien

»

Je sanglote, je suis pris de spasmes.
Je suffoque dans l’habitacle. Je me gare. Les larmes coulent… coulent transparentes sur mes joues rouges et inondent ma barbe. J’ai envie de crier, gueuler. Laisser un son brut pénétrer les cœurs glacés. Réveiller ces gens qu’on mène en pâtures au nom de la modernité, du progrès et de la logique de marché. Réveiller la compassion, l’empathie. Comprendre… Alter mondialisme, peut être ! Commerce équitable peut être ! Auroville peut être ! Laïcité peut être ! Amour réel pour son prochain peut être !
Je devrais commencer par moi-même, je pleure c’est un bon début.

Mes larmes sèchent à l’air. Je remonte dans la voiture et je pars.
J’arrive au bureau,
Bonjour tout le monde. L’assistante à l’accueil, lobotomisée se goinfre comme à son habitude.

Heureux dans la bêtise, malheureux en dehors.

PS: La chanson "j'étais là" de Zazie